Une adaptation moderne annulée in extremis
La Belle, la Bête… et une controverse qui secoue le monde de l’éducation et de l’édition. Le livre de Jul, une relecture contemporaine du célèbre conte La Belle et la Bête, était destiné à être distribué à 800 000 exemplaires aux élèves de CM2 dans le cadre de l’opération “Un livre pour les vacances”. Pourtant, l’Éducation nationale a décidé d’annuler cette commande de dernière minute, estimant que cette version n’était “pas adaptée” à des enfants de 10 ans.
La ministre Élisabeth Borne a confirmé cette annulation le 20 mars, affirmant que les illustrations et la tonalité ironique de Jul ne convenaient pas sans un accompagnement pédagogique adapté. L’auteur, de son côté, dénonce une “censure” qu’il juge imprégnée de relents xénophobes.
Un livre inspiré de l’œuvre de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont
Le livre de Jul s’appuie sur la version de La Belle et la Bête publiée en 1756 par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Son adaptation modernise l’histoire en mêlant le texte d’origine à des illustrations pleines d’humour et de références actuelles.
Jul, ancien dessinateur de Charlie Hebdo, actuel scénariste de Lucky Luke et créateur de la BD Silex and the City, propose ici une vision plus contemporaine du conte. L’héroïne, Belle, ne se contente plus d’être une princesse douce et soumise : elle est représentée en baskets et en T-shirt rayé, prenant un selfie aux côtés de la Bête sur la couverture du livre.
Une princesse du XXIe siècle
Au fil des pages, le lecteur découvre une Belle résolument moderne. D’origine méditerranéenne, elle mange de la pâte à tartiner El Mordjene, s’intéresse autant au clavecin qu’aux livres sur le rappeur Dr. Dre et troque les robes de princesse contre des joggings.
Son père, marchand ruiné, se retrouve dans une situation d’embarras lorsqu’il est contrôlé par la douane pour avoir importé des contrefaçons d’Algérie. Un chien renifleur est même déployé pour inspecter ses colis. Les sœurs de Belle, elles, arborent des tenues griffées aux noms parodiques, comme “Chacal numéro 5” et “Moche & Gabbana”.
Les transformations du conte ne s’arrêtent pas là : là où l’héroïne de 1756 observait son père via un miroir magique, Belle le contacte ici par Zoom grâce à une tablette numérique. Les sœurs envieuses ne perdent plus seulement leurs prétendants, elles sont massivement bloquées sur les réseaux sociaux.
Une scène particulière a suscité des réactions contrastées : on y voit le père de Belle chanter Les Lacs du Connemara une bouteille de vin à la main, une image que certains jugent peu appropriée pour de jeunes lecteurs.
Une décision justifiée par l’Éducation nationale
Pour Élisabeth Borne, la décision d’annuler la distribution du livre repose sur la nécessité d’un accompagnement pédagogique qui ferait défaut : “Jul a beaucoup de talent, il manie l’ironie et le second degré. Mais sans accompagnement, je pense que ce n’est pas adapté.” Elle souligne toutefois que l’ouvrage pourrait être utilisé dans un autre cadre.
De son côté, Caroline Pascal, directrice générale de l’enseignement scolaire, a invoqué des préoccupations similaires dans une lettre adressée à l’auteur le 17 mars. Elle explique que certaines thématiques du livre pourraient générer “des questions auxquelles les élèves ne trouveraient pas de réponse adaptée” durant leurs vacances.
L’annulation de cette commande a aussi mis en lumière une préface présentée comme signée par la ministre, qui indiquait que Jul “insuffle à ce conte une modernité nouvelle”. Or, Élisabeth Borne a démenti avoir effectivement préfacé l’ouvrage.
Jul dénonce une “censure”
Face à ces justifications, Jul exprime sa stupéfaction et son incompréhension. Pour lui, le retrait du livre relève davantage d’une forme de rejet des représentations plus diversifiées de la société française. Il estime que la seule explication à cette annulation serait “le dégoût de voir représenté un monde de princes et de princesses qui ressemble un peu plus à celui des écoliers d’aujourd’hui”.
Pour de nombreux défenseurs de la liberté d’expression, cette affaire illustre un malaise plus large au sein de l’institution scolaire : comment moderniser les classiques sans froisser les sensibilités ?
Un livre qui fait débat
Cette affaire pose une question essentielle : quelle place pour l’humour et la modernité dans l’adaptation des classiques littéraires destinés aux enfants ? Le cas de Jul montre que la frontière entre modernisation et controverse est parfois mince. Tandis que certains saluent une adaptation qui reflète les réalités contemporaines, d’autres estiment que certaines références peuvent prêter à confusion pour un jeune public.
Si le livre ne sera pas distribué aux élèves de CM2 cet été, son retrait n’aura fait qu’amplifier l’intérêt qu’il suscite. Une chose est sûre : La Belle et la Bête version Jul n’a pas fini de faire parler d’elle.
“La Belle et la Bête” de Jul : Chronique d’une Censure Polémique
L’édition 2025 de l’opération “Un livre pour les vacances” devait marquer un tournant dans la tradition littéraire française, avec une revisite moderne du célèbre conte La Belle et la Bête par le dessinateur Jul. Toutefois, ce projet, initialement soutenu par l’Éducation nationale, a été brusquement annulé par la ministre Élisabeth Borne, qui a jugé l’ouvrage inadapté aux élèves de 10 ans. Cette décision a déclenché une vive controverse, opposant les tenants d’une vision progressiste de la littérature jeunesse aux défenseurs d’une approche plus conventionnelle.
Un Conte Classique Revu à l’Ère Moderne
L’ouvrage commandé à 800 000 exemplaires s’inspire de la version du conte publiée en 1756 par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Cependant, au lieu d’un simple relooking graphique, Jul, dessinateur connu pour son humour satirique et son engagement, a choisi d’ancrer l’histoire dans le monde contemporain. Son interprétation transforme Belle en une jeune fille méditerranéenne, portant baskets et sweat-shirt rayé, qui capture des selfies avec la Bête.
Les illustrations de Jul ne se contentent pas de décorer le texte : elles recontextualisent profondément l’histoire. Belle, loin de l’image traditionnelle de la princesse en robe somptueuse, s’intéresse aussi bien au clavecin qu’à la musique du rappeur Dr. Dre. Sa gourmandise ne se porte plus sur des plats nobles mais sur une pâte à tartiner fictive nommée El Mordjene.
Le père de Belle, autrefois simple marchand ruiné, se retrouve ici impliqué dans une affaire de contrefaçons en provenance d’Algérie. Son contrôle par la douane, accompagné d’un chien